La clémentine du lundi !

Sur mon chevalet aujourd'hui, une clémentine !

Clémentine, 11x23 cm, oil on gessoed board

La réflexion d'Ernest du jour :
On croit généralement que le fini, est le précieux de l’exécution, la multiplicité et la minutie des détails. C’est ainsi que des amateurs ignorants qualifient de bien finie une œuvre qui en réalité serait à refaire, parce qu’ils voient des détails partout. Ce qu’il convient d’entendre par le fini, c’est l’unité d’une œuvre. Un tableau est bien fini quand toutes les valeurs concourent à un effet d’ensemble juste et que rien ne détonne. Une étude ou un tableau ne sont pas lâchés parce qu’ils ne montrent pas de détails partout. Ils sont lâchés quand les valeurs ne sont pas justes, que le dessin n’en est pas correct quand on n’y sent pas la recherche d’un effet et d’une composition savante.

Encore quelques observations indispensables :
Pourquoi lorsqu’on regarde une toile de maître, une réelle œuvre d’art, éprouve t’on un sentiment de bien-être intraduisible, même quand après examen attentif on a constaté que toutes les parties de l’œuvre ne sont pas exemptes de reproche ? Pourquoi en regardant le tableau d’un peintre de talent qui s’est cependant appliqué à bien faire et y a réussi, n’éprouve t’on rien de comparable ?
Tout en ne trouvant rien à critiquer dans une œuvre, pourquoi le charme qui parle à l’âme ne s’en dégage t’il pas ? Est-ce en raison directe de sa perfection ? Peut-être !
Pourquoi dans l’œuvre d’un jeune artiste d’avenir, mais qui n’est pas encore en possession de son métier, trouve t’on quelquefois, les mêmes négligences que dans le tableau d’un maître, et pourquoi n’éprouve t’on pas le même charme ? Pourquoi enfin n’a t’on pas la même indulgence pour les fautes d’un jeune artiste ?

La réponse est simple et sera vite comprise :
Dans l’œuvre d’un jeune artiste qui ne sait pas son métier, les négligences ne sont, le plus souvent, que de l’ignorance et la gaucherie avec laquelle elles apparaissent aux yeux exercés, n’a rien de comparable aux négligences voulues d’un maitre.
L’artiste savant qui néglige à dessein une partie ou un accessoire le fait avec une touche si expérimentée, que ce qu’il ne montre pas y semble visible. C’est le sous-entendu dans la conversation d’un homme d’esprit ! … En peinture, on ne peut pas, comme dans une conversation, observer un silence adroit qui puisse faire croire qu’on sait ce que l’on ne dit pas. Il faut savoir ce qu’on ne veut pas dire, ou bien l’ignorance se trahit. On n’éprouve pas le même charme devant l’œuvre d’un jeune artiste, parce qu’on sent son ignorance et qu’on ne peut admirer ce que l’on songe à corriger. Dans le tableau d’un maitre, ce qui nous choque quelquefois au premier abord, nous intéresse ensuite vivement, lorsque nous en avons compris la raison, ou qu’on nous l’a fait comprendre. Voici un exemple : nous nous souvenons qu’un jour, au début de notre carrière, nous admirions, chez un marchand très connu des artistes, ce qu’il a beaucoup aimés et soutenus, une très jolie toile de Daubigny. Comme nous paraissions choqué d’une touche sale dans l’ensemble d’un ciel qui était très fin de ton. Ce brave homme nous dit alors : « Méditez cela mon ami, voyez combien cette tache voulue par le maitre, est utile à l’ensemble pour le faire paraitre fin de ton, » et comme nous ne semblions pas convaincu, il ajouta en cachant la tâche : « dites-moi si vous consentiriez à l’enlever. » Nous restâmes confondu, car en supprimant cette touche d’un ton bien raisonné par le maitre, tout le ciel s’alourdissait. Voilà la science de l’artiste ! Ce serait de l’enfantillage de penser qu’une tâche malheureuse, survenue par hasard dans l’étude d’un débutant, puisse produire l’effet que nous venons de décrire, et que le hasard remplace la science. L’art excuse tout.

Tout est bien, tout est admissible si l’artiste nous fait éprouver une sensation d’art. Nous le répétons sans cesse, tous les moyens sont bons, pourvu qu’on arrive au but ; mais il faut bien se pénétrer de cet axiome et ne pas confondre le moyen qui est le métier, avec le but qui est l’art. Ce n’est pas parce qu’on aura accumulé des détails bien exécutés dans un tableau, ni parce qu’on les aura négligés à dessein, qu’on aura fait une œuvre d’art. Toutes ces choses doivent être sous-entendues pour donner une émotion, car c’est le plus souvent dans ce qu’on ne voit pas que réside tout le charme. Voilà pourquoi il est si difficile de produire une véritable œuvre d’art digne de ce nom.

Comment expliquer à un débutant que c’est ce qu’on ne peut lui faire voir qu’il doit s’appliquer à imiter ? C’est par un travail incessant qu’on arrive à trouver un moyen personnel d’expression. Le métier qu’on enseigne est indispensable à apprendre, mais il est encore plus indispensable et aussi plus difficile de le désapprendre ; beaucoup n’y parviennent jamais d’une façon satisfaisante.

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