L'escargot du mardi !

Sur mon chevalet ce matin une nouvelle petite douceur, cette fois-ci une viennoiserie : un escargot !

Escargot, 18x18 cm, oil on gessoed board

L'incroyable réflexion du jour : tout est là !!
Intérêt. Mettre de l’intérêt dans un ouvrage, tel est le but principal que se propose l’artiste ; on n’y parvient que par la réunion de beaucoup de moyens. Un sujet intéressant ne peut parvenir à intéresser quand il est traité par une main malhabile : ce qui semble, au contraire, le moins fait pour intéresser, intéresse et captive sous une main savante et au souffle de l’inspiration. Une sorte d’instinct fait démêler à l’artiste supérieur où doit principalement résider l’intérêt de sa composition. L’art de grouper, l’art de porter à propos la lumière et de colorer avec vivacité ou avec sobriété, l’art de sacrifier comme celui de multiplier les moyens d’effet, une foule d’autres qualités du grand artiste sont nécessaires pour exciter l’intérêt et y concourir dans la mesure convenable ; l’exacte vérité des caractères ou leur exagération, la multiplicité comme la sobriété des détails, la réunion des masses comme leur dispersion, toutes les ressources de l’art, en un mot, deviennent sous la main de l’artiste comme les touches d’un clavier dont il tire certains sons, tandis qu’il laisse sommeiller certains autres.

La source principale de l’intérêt vient de l'âme, et elle va à l'âme du spectateur d’une manière irrésistible. Non pas que toute œuvre intéressante frappe également tous les spectateurs par cela que chacun d’eux est censé avoir une âme : on ne peut émouvoir qu’un sujet doué de sensibilité et d’imagination. Ces deux facultés sont aussi indispensables au spectateur qu'à l’artiste, quoique dans une mesure différente.

Les talents maniérés ne peuvent éveiller un intérêt véritable ; ils peuvent exciter la curiosité, flatter un goût du moment, s’adresser à des passions qui n’ont rien de commun avec l’art ; mais comme le caractère principal de la manière est le défaut de sincérité dans le sentiment comme dans l’imitation, ils ne peuvent frapper l’imagination qui n’est en nous-mêmes qu’une sorte de miroir où la nature telle qu’elle est vient se réfléchir pour nous donner, par une sorte de souvenir puissant, les spectacles des choses dont l'âme seule a la jouissance.

Il n’y a guère que les maîtres qui excitent l’intérêt, mais ils le font par des moyens différents, à raison de la pente particulière de leur génie. Il serait absurde de demander à un Rubens l’espèce d’intérêt qu’un Léonard ou un Raphaël sait exciter par des détails tels que des mains, des têtes dans lesquelles la correction s’unit à l’expression. Il est aussi inutile de demander à ces derniers ces effets d’ensemble, cette verve, cette largesse que recommandent les ouvrages du plus brillant des peintres. Le Tobie de Rembrandt ne se recommande pas par les mêmes qualités que tels tableaux du Titien, dans lesquels la perfection des détails est loin de nuire à la beauté de l’ensemble, mais qui ne portent point dans l’imagination cette émotion, ce trouble même que la naïveté et le nerf des caractères, la singularité et la profondeur de certains effets font éprouver à l'âme en présence d’un ouvrage de Rembrandt.

David faisait consister le mérite à bien copier son modèle, tout en s’amendant à l’aide de fragments antiques pour en relever la vulgarité.

Corrège, au contraire, ne jetait un regard sur la nature que pour s’empêcher de tomber dans des énormités. Tout son charme, tout ce qui est en lui puissance et effets de génie, sortait de son imagination pour aller réveiller un écho dans les imaginations faites pour le comprendre…
Delacroix


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