L'atelier de modèle vivant du vendredi

Maud, oil on paper, pose de 2 heures

La séance d'hier fut agréable avec un nouveau et joli modèle, Maud qui a su tenir une pose très ingresque sans bouger un cheveux de sa flamboyante chevelure !

Le conseil du jour :
Peindre le support (et la palette) en gris permet de mieux voir la valeur des couleurs, surtout les clairs. Le gris recommandé par Robert Liberace. Mélanger de l'acrylique noir avec du blanc et de la terre d'ombre brûlée :


Le (formidable) livre du jour (extrait) :
Paris, 1825. Charles Gleyre a dix-neuf ans. Il a quitté Lyon où son oncle (il a perdu ses parents) l'avait placé dans un atelier avec l'idée d'en faire un dessinateur de fabrique. Mais le jeune homme voulait devenir peintre et il est venu dans la capitale en compagnie d'un de ses camarades d'atelier qui poursuivait le même but, Sébastien Cornu. Tandis que ce dernier entrait dans l'atelier d'Ingres, Gleyre s'est inscrit dans celui d'Hersent.
Il vit très pauvrement dans une mansarde, 21, quai des Augustins. Son oncle lui envoie de temps en temps de petites sommes que le jeune homme est obligé de lui réclamer. Il doit même justifier ses dépenses, par exemple dans une lettre récapitulative du 20 mai 1825, fort précieuse pour nous qui cherchons à nous représenter concrètement la vie d'un élève-artiste. Le voyage de Lyon à Paris lui a coûté "25 francs au conducteur, port de malle, ma nourriture tout le long de la route et ce qu'on leur donne". L'atelier lui revient à 31 francs 50 par mois : 18 francs à Hersent, 5 francs de masse pour payer les modèles, 2 francs 50 pour les chaises, 6 francs pour le bois. Au début, il a dû ajouté 6 francs pour les bosses (les modèles en plâtre) et "la bonne venue qu'il faut que les nouveaux paient, à ce qu'ils disent", mais dont il ne précise pas le montant. Son installation lui revient à 80 francs de meubles, "sans compter chandelier, cruche, pot à eau, cuvette, pot, etc., des chandelles, de l'encre, des plumes...". Il a eu besoin de souliers (7 francs 40), d'un parapluie (19 francs), de livres (14 francs). Il ne mentionne pas le loyer de sa chambre mais on apprend dans une autre lettre qu'il doit acquitter son terme : 37 francs. Il dîne "par cachets", 16 francs 50 les quinze. Il précise qu'à son arrivée dans la capitale il est resté dix jours à l'hôtel "à 2 francs par jour sans manger ni boire".
Et puis la colère le prend, il énumère pêle-mêle : "portefeuille, un cartable, un chevalet, des brosses pour les habits, les souliers; un petit miroir, chose extraordinaire, un peigne, un briquet, 2 francs d'arrhes pour le loyer de ma chambre, mouchettes, du papier à dessiner, des crayons, quelques pinceaux, des couleurs, quelques cruches de bière..." Il est excédé par les mises en garde : " Vous me dites de me souvenir que je ne suis pas à Paris pour m'amuser. Je crois que personne ne doit mieux le savoir que moi. Je le voudrais que je n'aurais pas le temps. Je vais à l'atelier à 6h du matin et j'en sors à 5 pour aller à l'académie jusqu'à 7. De là, je vais dîner et, après, je suis bien aise de me coucher..."
L'hiver est pire encore. Il écrit le 28 décembre 1825 : "le froid commence bien à m'ennuyer. S'il fallait me chauffer dans ma chambre, ça me ruinerait. J'ai voulu faire du feu pour travailler dimanche; j'ai brûlé pour 25 sous de bois. Aussi, je me suis bien promis de ne plus me chauffer."
Gleyre fréquenta l'atelier d'Hersent pendant onze mois seulement, sans doute par raison d'économie. Puis il étudia librement, suivit les cours de l’École des beaux-arts, copia des tableaux au Louvre, fit de l'aquarelle l'après-midi chez Bonington et, le soir, travailla à l'académie Suisse. Au bout de trois ans, il s'en retourna à Lyon, toujours avec Sébastien Cornu, avant de partir à pied pour Rome. 

La vie d'artiste au XIXe siècle d'Anne Martin-Fugier
 Le modèle vivant en 8 conseils